1. Le photographe et le rapport au temps


Half Dome par Ansel Adams
Monolith, the Face of Half Dome, Yosemite National Park, California, by Ansel Adams, 1927. Gelatin silver print. Collection: Library of Congress. Public domain.

Le photographe instaure une relation privilégiée au temps.

Il capture un instantané, un moment, une circonstance, une lumière,...

L'avènement du numérique a décuplé les possibilités en termes de quantité d'images prises, peut-être parfois au détriment de la qualité. Ou tout au moins, la quantité des images stockées sur les clouds nous fait parfois perdre le rapport technique et créatif à l'image individuelle produite. Que fait-on de toutes ces images? Les regarde-t-on seulement? Les retravaillons-nous? Les imprimons-nous?

Dans les années 1920-1930, le photographe américain Ansel Adams parcourait le Yosemite National Park avec 12 plaques de verre dans son sac à dos. Lors de son trek à 2.200 mètres d'altitude, chaque réglage du pied, de sa chambre noire, de sa lentille nécessitait une attention accrue puisqu'une prise de vue manquée ne lui laissait plus qu'un nombre plus limité de plaques de verre utilisables.

Quand dans les années 70, la reconnaissance de son travail l'a poussé à écrire des ouvrages décrivant son travail, c'est avec une précision impressionnante qu'il décrivait le matériel utilisé, ses ajustements techniques, les conditions de lumière, sa pré-visualisation mentale de la scène,... plusieurs décennies après la prise de vue. La valeur technique, émotionnelle, créative que porte chaque cliché a rendu ses photos iconiques, comme celle du Half Dome, la rendant intemporelle.

2. Les temps de la photographie

Le photographe s’alloue différents temps de travail :

2.1. Temps d'anticipation

Le photographe s'alloue un temps d'anticipation et de préparation :

  • le temps de préparation de son matériel : films, cartes mémoire, pied, objectifs, boîtiers…
  • le temps de repérage ou de planification de son trajet ;
  • le choix du moment de la prise de vue : aube, crépuscule, ou toute autre lumière particulière.

2.2. Temps de prise de vue

Vient ensuite le temps de la prise de vue, du cadrage, de la composition, des ajustements techniques.

2.3. Temps de développement

Ensuite le photographe s'attèle au temps du développement de la pellicule ou de son image numérique.

2.4. Temps des ajustements de l'image

Enfin, le temps de l'impression et des ajustements de contraste en chambre noire, ou des ajustements numériques de la balance des blancs, du contraste, de la luminosité, des tons clairs/sombres,... sur l'ordinateur.

2.5. Temps de réappropriation de l'image

Quelques années plus tard, le photographe retrouve un négatif oublié, le met dans le passe-vue de son agrandisseur ou ouvre à nouveau le fichier RAW sur son logiciel de retouche et réinvente le cliché, le retravaille avec une expérience plus aboutie, des intentions graphiques ou créatives évoluées, bref, il fait revivre l'image.

Darkroom by Geoff Charles
Photo : Geoff Charles / Wikimedia Commons – CC BY-SA 4.0

3. Dans la pratique

Le photographe, à l'instar du sculpteur, expérimente, cherche. Tout comme le sculpteur, sa maîtrise des outils ne bénéficiera à son art que progressivement. Un bon moyen de progresser est de prendre des notes. La photographie numérique stocke dans les données EXIF de chaque fichier les paramètres de prise de vue : boîtier, objectif, vitesse d'obturation, ouverture du diaphragme. Il est donc possible de retrouver ces valeurs à l'ouverture du fichier RAW sur l'ordinateur. De plus, les boîtiers équipés d'un dos LCD (écran), permet de visualiser en petit format l'image dans les secondes qui suivent la prise de vue.

La photographie argentique ne permet pas cette immédiateté de résultat. Un appareil comme le Nikon F6 permet d'imprimer la date, la vitesse d'obturation et l'ouverture du diaphragme dans le petit espace entre 2 photos sur la pellicule. La plupart des boîtiers argentiques ne le permettent pas. Le seul moyen alors d'appréhender le résultat de l'image au regard des caractéristiques de prise de vue est de prendre note de ces données.

Un bon moyen de progresser dans une pratique photographique personnelle est de s'inspirer de la pratique du dessinateur qui consigne dans son book ses travaux de recherche. Tenir un carnet personnel de prise de vue et y consigner les éléments choisis tels que la composition, les éléments techniques (vitesse d'obturation, ouverture du diaphragme,...) permet de capitaliser sur cette expérience pour les travaux futurs. Sur smartphone, l'app Exif Notes permet cette prise de notes. Pour le travail en chambre noire utiliser une fiche de notes Labo permet également de garder des traces :

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